SOCIETE NATIONALE DES PETROLES DU CONGO (SNPC) : Le rendez-vous manqué en exploration-production
Créée par la loi 1-98 du 23 avril 1998, la Société Nationale des Pétroles du Congo (SNPC) est dotée d’une personnalité morale et d’une autonomie financière. Sa création découle d’une grande ambition du Président de la République, de doter le Congo d’une grande entreprise nationale capable d’opérer activement dans tout le secteur pétrolier, à l’instar de la SONATRACH en Algérie, ou de la SONANGOL en Angola.
Après une quarantaine d’années d’activités pétrolières au Congo, et devant l’expérience malheureuse de la première société nationale dans le secteur pétrolier, le projet est conduit jusqu’à son terme, cela malgré une farouche opposition des institutions financières internationales.
La SNPC a donc pour objectif principal, de s’affirmer comme étant une grande société pétrolière, aux côtés des multinationales opérant au Congo.
A cette grande vision du Président de la République, les cadres congolais successivement nommés à la tête de la SNPC ont pour mission principale, l’élaboration et la mise en œuvre des stratégies permettant la réalisation de cette vision.
La première action entreprise consiste à s’approprier rapidement la commercialisation des parts de brut revenant à l’Etat et à la société nationale. Jadis, la vente de ces parts de pétrole était réalisée par les multinationales pétrolières travaillant au Congo, via des mandats de commercialisation, et cela, malgré l’existence d’une société nationale dans le secteur. Cette opération de vente, revenant chère à l’Etat et à la société nationale, car les frais de commercialisation s’élèvent à plus de 2% de la valeur marchande de chaque cargaison vendue.
En 1999, un an après sa création, la SNPC commence la commercialisation du brut de l’Etat et de la société nationale. Cette opération très importante, malgré les difficultés d’apprentissage, va permettre au Congo de maîtriser les mécanismes complexes de la commercialisation du brut, en accédant directement aux marchés pétroliers internationaux. Elle va aussi aider les experts congolais des ministères des hydrocarbures et des finances, de mieux appréhender le fonctionnement des marchés pétroliers lors des réunions de fixation des prix de vente des bruts congolais. Cela, avec toutes les conséquences non seulement sur la valeur réelle des bruts congolais vendus, valeur autrefois toujours contestée, mais également sur l’évaluation du remboursement des coûts pétroliers récupérables. Améliorant ainsi, les revenus pétroliers de l’Etat et de la société nationale.
Après cette avancée dans la commercialisation, qu’en est-il alors de l’exploration-production?
La première période de la SNPC est marquée aussi par une grande diversification de ses activités. La nouvelle direction, nommée en 2005, décide de réduire les actifs non-pétroliers et applique une stratégie dite «Le recentrage». Celle-ci consiste à revenir aux métiers plus traditionnels d’une société pétrolière et pour cela, un accent particulier est mis sur l’exploration-production.
Une acquisition de permis pétroliers de recherche et d’exploitation est faite en 2007 par la SNPC. Pour la première fois, une société nationale joue le rôle d’opérateur pétrolier dans un groupe contracteur. Elle s’associe alors à la société nationale pétrolière ivoirienne PETROCI et à la société canadienne PREVAIL, pour le développement et l’exploitation des champs du permis Mengo- Kundji-Bindi, dit MKB.
En effet, le rôle d’opérateur permet à une société pétrolière, non seulement de consolider sa crédibilité et son savoir-faire en conduisant les opérations, mais aussi de capter une part importante des revenus des activités du projet, par la rémunération de son personnel et de ses services. A cette occasion, deux puits sont forés sur le champ de Kundji. La première goutte d’huile «estampillée SNPC» est ainsi produite et livrée à la CORAF en 2010.
Dans cette même lancée, avec la création de la direction générale adjointe chargée de l’amont pétrolier, six nouveaux puits sont conçus et forés par les ingénieurs congolais de la SNPC, entre 2011 et 2013. Les puits sont réalisés sans difficulté majeure, et sans assistance particulière de l’extérieur. Actuellement, tous ces puits sont en production et garantissent toujours la seule production opérée de la SNPC.
En même temps, les installations de surface sont étudiées et construites par les ingénieurs et cadres congolais de la SNPC. Elles permettent l’exploitation du champ de Kundji suivant les normes et pratiques internationales.
La SNPC réalise aussi en 2013, avec succès et pour la première fois dans l’histoire d’une société nationale pétrolière du Congo, deux acquisitions sismiques. Une sur le permis Mayombe et l’autre sur le permis MKB. Ces acquisitions sismiques donnent une meilleure connaissance des champs, pour une implantation optimale des puits d’exploration et de développement, avec à la clé une meilleure productivité.
Malgré cette expérience prometteuse acquise progressivement par la SNPC dans la conduite des opérations pétrolières, les investissements pour le développement complet du champ de Kundji et d’autres activités de l’amont pétrolier s’estompent lentement. Et pourtant, ne dit on pas que l’investissement est l’essence de la croissance?
En effet, le «syndrome du puits sec», celui qui paralyse parfois certains décideurs des sociétés pétrolières lors de la prise de la décision finale de forer un puits, à cause du grand risque financier encouru, s’installe probablement à la tête de la SNPC. Malgré les accords répétés de l’Etat, du conseil d’administration de la SNPC et des partenaires pour la poursuite des forages, accords souvent obtenus sans difficulté, les opérations ralentissent, faute de financement. Et pourtant, une confiance naissante à l’égard de la SNPC par les partenaires du groupe contracteur est observée, car ceux-ci approuvent et soutiennent par tous les moyens, les différents programmes des opérations proposés par elle.
Le pétrole, business certes très capitalistique avec des grands risques financiers, mais aussi avec des revenus très importants en cas de succès, justifie pleinement la prise d’un minimum de risque car, qui ne risque rien n’a rien, et le risque zéro n’existe pas. A cette même période, tous les indicateurs pétroliers sont au vert. La demande est soutenue et le prix du baril culmine à plus de cent dollars américains. Le moment est propice aux investissements pour les développements pétroliers, c’est le cas de Moho-Nord pour Total E&P Congo, Litchendjili pour ENI Congo et Kayo pour Whing-Wha Pétrochemical.
Malheureusement, l’audace ou le contraire de la peur, cette qualité indispensable chez les capitaines de l’industrie en pareille circonstance, fait peut-être défaut auprès de certains décideurs de l’entreprise.
En 2014, plusieurs opportunités permettant à la SNPC de prendre une option sérieuse dans l’exploration-production se présentent aussi. En effet, plusieurs champs matures en production et déjà amortis ont des permis d’exploitation qui arrivent à échéance, devenant automatiquement propriétés de l’Etat. L’Etat peut alors, dans ce cas, utiliser la SNPC comme société de services, pour la poursuite de l’exploitation de ces champs et cela, sans investissements supplémentaires très importants.
Cette éventualité est prise très au sérieux par les ingénieurs et cadres congolais de l’amont SNPC, car elle est très motivante. Elle fait alors l’objet d’une étude approfondie et d’une préparation minutieuse. Les moyens stratégiques de sa mise en œuvre sont clairement définis.
Pour une anticipation, un accord est conclu avec la société commune CONGOREP, en vue d’une immersion de formation des opérateurs de la SNPC sur le champ offshore d’Eméraude. Cette importante préparation est faite dans le cadre d’une éventuelle reprise de l’operating par la SNPC de certains champs en mer.
L’opération de reprise de l’operating des champs matures par la SNPC, aurait probablement permis au Congo d’appliquer pour la première fois le contrat de service. Ce type de contrat, très utilisé dans les pays pétroliers du golfe arabo-persique, permet à l’Etat de devenir seul propriétaire du champ et, d’utiliser sa société nationale d’exploitation comme prestataire de services. Dans ces conditions, plus de partage de production avec des tiers, et encore moins d’administration pour la gestion du titre minier. Malheureusement, cette opération n’est pas conduite jusqu’à son terme.
Pendant un moment, plus rien d’important ne se réalise en exploration-production. S’installe alors, lentement, un émoussement de l’enthousiasme des ingénieurs et cadres congolais de l’amont pétrolier SNPC, dans leur ambition communément partagée, de participer activement à la création d’une vraie société pétrolière nationale dans l’exploration-production.
Heureusement, la reprise actuelle des forages sur le champ de Kundji et autres, par la direction nommée en 2018, remet la SNPC sur le chemin de son affirmation sur la scène nationale et internationale comme opérateur pétrolier. Cela à l’image de la SONATRACH et la SONANGOL. Ces opérations de forage et de développement relancées confirment aussi l’importance, sinon l’obligation de la réalisation par la SNPC, de l’objectif majeur voulu par le Président de la République, lors de sa création, à savoir: intervenir, pour le compte de l’Etat directement dans toutes les opérations relatives à la production tant sur le territoire congolais qu’à l’étranger.
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