Quand commencent les guerres
C’est une lapalissade : tous les événements de notre pays ont, comme tous les faits sociaux, un début et une fin. Mais ils ont surtout une cause et des acteurs. La cause peut être bonne, les acteurs mauvais. La cause peut avoir une finalité noble, mais son déroulé se faire dans la douleur. Au bout de tout, il y a le ressenti de ce qui devait être, de ce qui aurait dû être. Car il y a des intentions qui peuvent bien ou mal s’annoncer. Les cimetières sont pavés de bonnes intentions.
Nous revenons dans ce journal sur les incidents qui se sont produits le 29 décembre dernier au ministère du Commerce. Un groupe de protestataires s’y est introduit menaçant le ministre d’Etat, indexé par son origine ethnique. Et accusé de bloquer les dossiers des indemnisations des victimes des explosions du 4 mars 2012 qui avaient fait plusieurs centaines de morts et de sans-abris.
Ces incidents sont d’une gravité certaine et se classent parmi ceux qui pourraient déchirer une cohésion qui a du mal à se ressouder après la furie des guerres du début de ce siècle chez nous. Or, c’est précisément au nom de ces guerres «sales» que les assaillants du 29 décembre se sont sentis investis d’une mission de protecteurs et de défenseurs de causes qui auraient pu être celles de tous. Se prévaloir d’une ethnie ; attaquer un «ethnique», ça fait désordre inquiétant. Acte d’exclusion.
Aujourd’hui, nous apprenons que le ministre d’Etat Alphonse Claude N’Silou a décidé de quitter la présidence du Comité d’indemnisation dont il était à la tête. Le geste serait banal dans un contexte banal. Or, dans notre pays où tout le monde se bouscule au portillon dès lors qu’il est question d’un poste de responsabilité, rémunéré ou non, voir le mouvement inverse s’opérer est un indicateur. Un signe d’exaspération et de confiance rompue entre un dirigeant et des citoyens qu’il était chargé de servir.
C’est un signe aussi de ce que notre pays doit encore faire d’effort pour que les atavismes ne nous étouffent pas sous les vernis de la fraternité proclamée. Proclamée mais souhaitée par tous. Construire une Nation se fait toujours de bric et de brocs d’abord, c’est le résultat final du liant qui lui donne son caractère de Nation homogène. Alors on oubliera les petites étapes, les fâcheries par lesquelles on sera passé. Et on boira au lait et au miel de notre communauté de destins.
Mais tant qu’on n’en est pas là, il nous faut prendre garde à ne pas proclamer des vérités qui n’arrangent qu’un camp. Nous ne sommes pas encore une Nation; les «vérités» que nous disons les uns sur les autres doivent passer par le tamis de nos désirs de vie commune. Nous entrons dans une période électorale délicate. Il nous faut y entrer et en sortir avec des semelles de crêpe, silencieuses ; ne pas casser la baraque juste pour que notre champion soit sur le podium. Une fois proclamée, la victoire de celui-ci devra recoudre, pas déchirer.
Albert S. MIANZOUKOUTA
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