
MAITRE DAH KANA ATIGA, NOTAIRE CONGOLAIS : «J’ai été guéri du coronavirus»

Dépisté positif à la COVID-19, puis guéri, Maître Dah Kana Atigha, Notaire sur la place de Brazzaville, témoigne du calvaire sanitaire et familial qui a failli l’emporter. A travers son témoignage, il a décidé de faire un travail de conscientisation des Congolais sur la réalité de cette pandémie dont certains refusent toujours de croire l’existence, malgré les orientations des pouvoirs publics. Entretien.
* Bonjour Maître, comment vous vous sentez ce jour, après votre guérison à la COVID-19, et qu’est-ce que vous pouvez nous dire à propos de cette réalité?
**Bonjour, je me sens mieux, grâce à Dieu. J’ai été guéri de cette maladie véritable tueuse en série qu’est le coronavirus. Ce qui me permet aujourd’hui de faire un grand travail de conscientisation de nos compatriotes sur la réalité de cette maladie au Congo, et dans le monde. Car j’étais bon pour un cercueil, comme une vieille chaussette est bonne pour une poubelle.
*Peut-on dire aujourd’hui que cette maladie est une réalité au Congo, eu égard aux doutes qu’ont quelques Congolais?
**Sans langue de bois, j’ai été même parmi ces Congolais qui doutaient de sa réalité, au point de ne pas prêter une oreille attentive aux orientations de notre gouvernement, les qualifiant presque de simples copies-colées du discours très jupitérien du Président français Emmanuel Macron, surtout quand il nous a sorti le fameux «nous sommes en guerre face à un ennemi invisible».
*Donc vous doutiez ?
**Sincèrement, oui. Mais j’ai fini par comprendre que le Président de la République a eu raison d’abonder dans le même sens, et de décider très rapidement de mettre en place un véritable bataillon de soldats en blouse blanche, afin d’une contre-offensive face à cet ennemi invisible, le coronavirus.
*En homme libre et guéri, pouvez-vous nous raconter brièvement votre calvaire?
** Tout a commencé un certain 5 juin 2020. Pensant faire un simple palu, j’ai décidé de faire de l’automédication, mais au bout de quatre jours, aucune amélioration n’a été constatée, sinon une dégradation notoire de ma santé, à travers quelques signes alarmants tels que la fatigue, la toux sèche, la fièvre au-delà de 40°C, des maux de tête, des courbatures, la perte de l’odorat et du goût, sans oublier les grandes difficultés respiratoires qui me conduisaient presqu’à l’évanouissement.
Refusant de me rendre à l’hôpital, malgré les conseils de quelques proches, vivant seul, puisque ma femme et mes enfants vivent en France, j’ai été obligé d’appeler mon médecin traitant, le Docteur Presley Nzengui, qui est arrivé chez moi le 11 juin 2020, à 21h. Il a constaté que je n’arrivais presque pas à respirer, et que je présentais tous les signes Covid-19. il a décidé de faire preuve de son bon jugement, et m’a mis immédiatement sous le protocole du fameux Professeur Didier Raoult, à savoir: la prise de la Chloroquine, de l’Azithromycine, auxquels, il a ajouté un antiviral, l’Aluvia. Voyez-vous, la décision de mon médecin a été de beaucoup pour que je me retrouve aujourd’hui à témoigner de ce que je peux qualifier comme étant mon chemin de croix, bien que les étapes diffèrent de ce que le Christ à réellement vécu pendant le sien pour nous sauver.
*Et quelle a été la suite?
** La suite a été que mon calvaire respiratoire a continué jusqu’à l’aube, en attendant que le constat de mon médecin soit confirmé par un test PCR auquel j’ai accepté volontairement de me soumettre. Je fus admis à la clinique Sécurex dont la prise en charge a beaucoup joué pour récupérer toutes mes facultés respiratoires, pendant trois jours, avant d’être transféré au centre Leyono que je croyais même être le chemin obligé avant d’être déclaré mort COVID-19 et être enterré à la va- vite.
* Pouvez-vous nous parler de votre prise en charge au centre Léyono si décrié par les Congolais comme étant la morgue des malades COVID-19 ?
** Je vous avoue que je pensais que le centre Léyeno était en quelque sorte un point de non-retour avant d’être déclaré décédé COVID-19. J’ai eu peur en y arrivant, avant d’être agréablement surpris de la prise en charge médicale des malades COVID-19.
Humblement, sans réserve aucune, c’est le meilleur centre de prise en charge des malades COVID-19. Bien que dépendant de la municipalité de Brazzaville, il n’est pas une morgue et l’équipe médicale est très professionnelle. L’hygiène y est de rigueur, des psychologues sont à l’écoute de ceux qui le désirent, la restauration est presque gastronomique provenant des meilleurs traiteurs de Brazzaville. On demandait même la veille aux malades ce qu’ils voulaient prendre au petit déjeuner, c’était presqu’une restauration à la carte.
En 15 jours d’internement, je n’ai vu qu’un seul mort, une personne du troisième âge, sans doute avec des antécédents dus à une autre pathologie. Donc, comprenez que rien n’a été ‘’boutiqué’’ en privé par la Ministre de la santé.
*Que pouvez-vous dire aujourd’hui aux Congolais, après avoir compris que la COVID-19 est bien réelle au Congo?
**L’un de mes modèles de vie m’a toujours dit: «Tout passe et tout passera». Je suis simplement un témoin impuissant qui a évité un cercueil et veut conscientiser ses compatriotes sur la réalité de la COVID-19 au Congo, leur partager mon calvaire et leur dire que le doute n’est plus permis. Où sont passés Pape Diouf et Manu Dibango, ces illustres Africains très rapidement emportés par la COVID-19? Que les Congolais pensent également à leurs propres parents qui ont disparu en quelques semaines sans qu’une veillée mortuaire ancrée dans la culture congolaise ne soit organisée. Je veux dire aux Congolais de ne plus douter de l’existence de cette véritable tueuse en série, même en pleine période de déconfinement qui, à mon avis, est devenue une période de relâchement festif où les masques sont portés comme des accessoires de mode et non pour se couvrir la bouche et le nez. Ils sont même assortis aux tenues vestimentaires, comme si on était à la corona fashion-week pour emprunter ce mot cher à l’industrie de la mode. Alors que cette période devrait plus être utilisée pour conscientiser la population par des véritables campagnes de sensibilisation axées sur une communication simple, donc accessible à une population moindrement instruite, car le doute n’est plus permis. Et que dire de l’ouverture des terrasses qui, en réalité, sera complémentaire du phénomène des caves closes dans lesquelles deux personnes n’hésiteront pas d’exprimer leur amour autour d’une bière, alors même que la probabilité de la contamination est presque sûre, car le corona virus est une réalité au Congo.
*Etes-vous prêt à accompagner le gouvernement à conscientiser, s’il vous le demandait?
**Ce n’est pas le but recherché en faisant ce témoignage de conscientisation de nos compatriotes face à la réalité de la COVID-19 au Congo. Cependant, pour éviter d’être en contradiction avec ma vision de réveiller l’inconscient des Congolais, une réponse affirmative peut s’imposer à moi sans vouloir tirer parti de quoi que ce soit.
*Vous sentez-vous immunisé aujourd’hui, et ne craignez-vous pas d’être stigmatisé après vous être dévoilé aux Congolais?
**Sans être de la pointure des Professeurs Elira ou Atipo Ibara, et en tant qu’intellectuel, je vais essayer de répondre au premier volet de votre question sur les immunités corporelles.
Selon une bouche autorisée, le Docteur Guy Boivin, virologue titulaire d’une chaire en maladie à virus émergent à l’université Laval au Canada, après être guéri du coronavirus, on développe une immunité corporelle allant de 6 à 1 an, voire au-delà. En Chine, on parle même du principe des immunités croisées, c’est-à-dire le fait d’avoir été atteint d’une autre maladie à coronavirus telle que l’influenza vous immunise définitivement. Comme on ne peut faire la varicelle deux fois, il est probable qu’on ne peut pas être atteint du coronavirus deux fois. Est-ce qu’en ce moment, je peux dire que je suis immunisé? Je pense simplement être parmi les Congolais que vous pouvez recevoir chez vous sans avoir peur, tout en continuant à respecter les mesures barrières.
Concernant le deuxième volet de votre question sur la stigmatisation de ma personne après m’être dévoilé COVID-19 guéri, sans langue de bois, cela ne m’importe presque pas. Moi mort, ces mêmes personnes parleront de moi au passé. Heureusement que j’ai été guéri et j’en profite simplement de mon souffle de vie pour conscientiser nos compatriotes sur la réalité de la COVID-19 au Congo. Une chose est vraie, le meilleur ami de l’homme est son Dieu qui sera toujours là pour pourvoir à tous ses besoins.
* Votre dernier mot?
**Conscientiser mes compatriotes de la réalité de la COVID-19 est pour moi comme une mission divine, comme si le bon Dieu a voulu que cela se passe ainsi pour que j’apporte le témoignage de mon chemin de croix sanitaire et familial pour réveiller la conscience des Congolais sur cette maladie, véritable tueuse en série qu’est la COVID-19. Je suis convaincu que le Dieu qui m’a sauvé débarrassera également le Congo et le monde de cette pandémie et bénira votre journal de m’avoir donné l’opportunité de dire la vérité aux Congolais.
Propos recueillis par Sévérine EGNIMBA
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