Un «assassinat» au CHU : «L’électricité nous a trahis…»
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- Publié le mercredi 11 septembre 2019 11:46
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C’est par ces mots qu’un médecin, neurochirurgien au Centre hospitalier et universitaire de Brazzaville (CHUB), annonce à une épouse restée depuis deux semaines sous le flamboyant qui sert d’abri aux garde-malades au service de réanimation, la mort de son époux.
Guy Robert Akouli, conseiller en entreprise, cadre d’une association professionnelle locale et militant chrétien engagé, a subi deux interventions chirurgicales crâniennes pour soulager des maux de tête qui le tourmentaient depuis plus de deux mois et qui ont fini par former des hématomes au cerveau.
Après une semaine de coma profond, Guy a été récupéré et placé sous coma artificiel. Ce qui a donné un peu d’espoir à tous: épouse, enfant, famille, collègues, amis et connaissances. Les doutes qui planaient sur la capacité du CHUB à pouvoir exécuter une opération aussi délicate que la neurochirurgie, avaient commencé à se dissiper pour laisser la place à de la reconnaissance pour nos médecins qui, sont aussi compétents que les autres. Une semaine après, les infirmiers annoncent le sevrage, puis la préparation au réveil. Ils font acheter à Desi, l’épouse de Guy, 4 coussins médicalisés pour préparer ce réveil. Ceci se passe le dimanche 1er septembre2019 à 10h00.
Le lundi 2 au soir, Desi visite son mari. Pour la première fois, elle peut communiquer avec lui: Guy serre les mains de son épouse en réponse, bien qu’encore dans l’inconscience totale.
«Guy est en train de revenir!», s’exclame Desi, en sortant de la salle de Réa.
Mais c’était sans compter avec les pannes de courant dans notre ville.
En effet, le 2 septembre 2019, aux environs de 23h15, Desi qui dormait, a été réveillée par sa tante lui annonçant: «Le courant est parti!». Prise de panique, Desi se met à pleurer, priant Dieu pour que le rétablissement de l’électricité dans les secondes qui suivent. Mais non…Il a fallu attendre quinze minutes. Quinze longues minutes. Toute une éternité quand on sait qu’il y a des vies en danger. Quinze autre minutes plus tard, une infirmière arrive pour demander deux draps à la famille Akouli. Desi ne comprend pas et décide de rentrer de force. C’est à ce moment qu’elle trouve le médecin neurochirurgien, le docteur B., debout, perdu, sans parole, entouré de X, infirmier, autour du lit de Guy, un lit en apparence bien équipé des appareils modernes de réanimation. «Le courant nous a trahis; on a tout fait pour le réanimer, mais hélas...», 30 minutes fatales, sans électricité dans le plus grand hôpital de Brazzaville. Du Congo!
Comment peut-on comprendre que dans un service de réanimation où les vies sont sous assistance respiratoire constante, donc dépendantes de l’électricité, qu’il n’ait pas été prévu des batteries capables de tenir ne fût-ce que 15 minutes?
Hélas? Comment se fait-il que ni le CHUB, ni la société Energie Electrique du Congo (EEC) ne soient capables de comprendre que ce service est sensible et qu’il est inadmissible d’avoir une panne de courant fantaisiste à ce niveau?
Hélas? Oui, docteur. Simplement hélas, parce que nous sommes dans un pays où les seules responsabilités qui sont établies sont celles d’atteinte à la sûreté de l’Etat. Et que jamais un procureur de la République, ni aucune autre autorité de ce pays, quel que soit son rang, ne saurait s’intéresser au sort véritable des Congolais. Qui pourrait attaquer le Directeur Général du CHU ou de EEC pour atteinte à la sécurité sanitaire des Congolais?
II n’y a pas de «hélas» Docteur. Guy a été assassiné tout comme nombreux de Congolais morts en silence dans ce service de réanimation pour les mêmes raisons et dans les mêmes circonstances.
Pour vous, docteur et le CHUB, vous avez perdu le patient de la chambre individuelle. Un autre viendra dans ce lit et vous vous en occuperez de votre mieux pour justifier votre salaire. Pour la EEC, pendant cette coupure, quelqu’un, simplement quelqu’un, est mort au CHUB. Mais c’est réparé! y a plusieurs autres «quelqu’un» qui sont restés vivants et qui ont applaudi le retour de courant. Pour le Gouvernement et toutes les autorités de ce pays, la coupure a fait des dégâts. Et Guy Akouli est un dégât. Sans plus.
Quelqu’un se souvient-il encore du cas Vincent Lambert en France? Une affaire de famille qui a vu tout un pays et un continent s’indigner? Débrancher les appareils d’un patient sous assistance respiratoire est un crime.
Mais existera-t-il un jour une affaire Guy Akouli ou une affaire «homicides volontaires avec complicité de meurtre par le CHUB et la EEC au Congo-Brazzaville»? Peut-être le jour où dans ce pays, nous aurons de vrais dirigeants dont la première préoccupation sera le bien-être et la sécurité sanitaire des Congolais, non comme un ensemble vide, mais de chaque Congolais connu et cité par son nom. Guy Akouli fut un de ces Congolais. A 50 ans juste, il meurt assassiné sans que personne ne se soucie de ses sept enfants, âgés de 6 à 20 ans!
Ce qui est certain, c’est qu’il y a, en ce moment, d’autres Congolais victimes de cette bande organisée du CHUB et EEC, dans l’indifférence totale.
Paul DAH