Leçons de train

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Les déclarations du Gouvernement et les indices indiquent que le trafic sur la voie ferrée pourrait reprendre à brève échéance. Des premiers convois ont roulé sur une voie qui a souffert; des travaux ont été réalisés sur les ouvrages dynamités. Le train va rependre et cela ne pourra faire que du bien. La fin de deux années de folie décrétée par un personnage trouble, et seul, ayant prétendu avoir lutté pour son pays en paralysant son économie. Deux années au cours desquelles, je ne suis pas sûr que celui-là même qui s’est donné le grade de chef d’une rébellion sans cause, ait tiré un autre bénéfice que la joie de figurer sur les photos. La reprise du chemin de fer nous invite toutefois à méditer sur au moins trois leçons à tirer.


La première est qu’on ne peut pas laisser un enfant jouer avec des allumettes. Caresser dans le sens du poil et ménager un homme dont on ne sait pas jusqu’à point il est opposant ou opportuniste n’apporte rien à une nation par ailleurs assaillie par une crise à laquelle on attribue les causes les plus diverses. Les esprits sont fragiles et toutes les initiatives, même les mieux intentionnées, sont vues comme forcément entachées d’irrégularités. Dans un tel contexte, il y en a qui peuvent succomber à la tentation de s’accrocher à un pyromane et espérer éteindre un incendie. Si c’est la capacité de nuisance de l’aventurier qui a sévi dans le Pool qui devait être éprouvée, le résultat est là: il a fait ce qu’il a voulu sans faire avancer une quelconque cause de cohésion nationale.
La deuxième leçon est que la voie ferrée est la colonne vertébrale de notre économie. S’en prendre à elle et la paralyser auraient dû nous mobiliser davantage contre les causes qui l’ont mutilée et mise à genoux. Pendant deux ans, nous avons cherché des solutions alternatives, parfois dans l’indifférence. Et la traque du principal responsable de cet état n’a pas été la préoccupation. Aujourd’hui que le trafic s’apprête à reprendre, est-on assuré que demain, malgré les menaces et les accords de paix (qui ne sont d’ailleurs pas les premiers!), celui-là qui est seul à en avoir tiré bénéfice ne sera pas de nouveau repris de l’envie de dynamiter les ponts, de mutiler des gares et de saccager les vergers des populations? Le meilleur frein à ces lubies homicides devrait être national, c’est-à-dire de tous.
Enfin, la troisième leçon à tirer, elle doit l’être par le CFCO lui-même. Il s’est habitué à traiter les voyageurs comme des moins que rien. Les deux ans où la route a suppléé la paralysie du train ont montré qu’il y a une autre manière de voyager. Le Congolais s’est désormais habitué à l’idée de partir à l’heure, de changer de moyen de transport quand il le veut, de ne pas attendre indéfiniment sans information un hypothétique passage de convoi. Les bus, tous aussi confortables les uns que les autres, ont induit une autre mentalité de plus de confiance. Un contrôleur de bus ne s’amuserait pas à insulter un voyageur!
Est-ce un mal pour un bien? La reprise du chemin de fer et le renouveau des mentalités pourraient être les seuls «gains» à tirer de la léthargie dans laquelle un irresponsable l’a plongé. A nous désormais de tirer de cette expérience une nouvelle vision et de conforter une manière autre face à un patrimoine. Si celui-ci est national - et il l’est ! -, c’est donc que nous ne pouvons pas le laisser en abandon entre les mains d’un personnage qui prétend gagner plus de paix et de démocratie en abattant des safoutiers. Ou en infligeant des coups du plat d’une machette à des paysans inertes.

Albert S. MIANZOUKOUTA

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