«Salut, grand !»
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- Publié le jeudi 13 septembre 2018 08:26
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La lutte contre la corruption connaît des embardées depuis quelques semaines. La commission mise en place pour officier à cette salubrité morale dans le pays, passe par des bas et des hauts et nous, journalistes, nous nous délectons des accusations qui sont portées contre elle ou des commentaires en sa faveur. La presse trouve son blé à moudre dans tout ce qui tendrait à prouver ce qu’elle sait: que la corruption existe bel et bien dans le pays, et que lutter contre elle relèvera souvent de l’incantation.
Il est des quartiers où les maisons, pour reprendre un confrère, poussent comme des champignons. La nuit, les chantiers sont menés à la lumière des projecteurs. Il ne faut pas de retard pour livrer un immeuble pimpant neuf à son égo, un membre de sa famille et ou à des affinités. Les chantiers du pays peuvent attendre, pas ceux que l’on s’offre pour s’affirmer grand parmi les grands. Et comme de tels chantiers poussent surtout avec de l’argent facile, il n’est pas sûr qu’une commission, pilotée ou non par le Premier ministre, ait le courage d’aller demander d’où vient l’argent.
Donc, retour à la case départ: on luttera contre la corruption et ceux qui tomberont dans les mailles du filet seront toujours les moins grands des grands. Ou les grands qui ont été grillés et torpillés par quelque jeu d’équilibre. A moins qu’il s’agisse de grands qui ont cessé de l’être. Donc des petits: car, on le sait, un grand n’est jamais petit. Et donc, la chasse ouverte aujourd’hui se présente sous les meilleurs auspices qui soient, à condition qu’elle évite les grands, les amis des grands, les relations des grands, les grands en puissance et les grands affirmés. Qui ont aussi sous leurs ailes des petits-grands auxquels il ne faudra surtout pas toucher.
Cela fait du monde, bien entendu. Mais cela fait du monde aussi, hors de ces cercles, qui a les mains couvertes de billets de contrebande, et auxquels on peut imputer la cause de la fâcherie avec le FMI. Des grèves à répétitions à l’Université. De la grogne dans les rangs des retraités. Des retards de salaires en divers endroits. De la multiplication des cas d’AVC, mortels ou à évacuation. D’une pauvreté visible à l’œil nu dans un pays qui a pourtant rang d’émirat pétrolier. Il est plaisant de lire au journal que telle personnalité est épinglée – c’est-à-dire soupçonnée d’avoir emporté les milliards de tel projet vital – mais cela frise la schizophrénie. Parce que, on le sait, le Congolais ne s’émeut plus de la corruption que comme thème à joutes autour d’une bière. Le phénomène en soi ne révolte pas. N’importe lequel de ceux qui jouent aux indignés, mis dans la situation de ministre, de préfet, de directeur financier ou d’ordonnateur de la dépense publique finira avec des voitures de luxe au bout de seulement quelques mois d’exercice.
N’importe lequel de ces indignés a déjà qualifié de «peu débrouillard» un haut dignitaire en fin de mandat et n’exhibant les villas et voitures de luxe «gagnées à la sueur de son front»! La corruption, ça nous connait. Tous. Sinon les journalistes et les magistrats n’auraient pas attendu le discours de fin d’année du président de la République pour s’apercevoir que la corruption n’est pas un épisode de feuilleton, mais la cause de tout ce qui va mal.
Albert S. MIANZOUKOUTA