Le principe de l’autosatisfaction qui freine le développement
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- Publié le vendredi 5 février 2016 13:31
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En lieu et place de la gestion axée sur les résultats, la gestion publique congolaise préfère le principe de l’autosatisfaction. Le mois de janvier a vu fleurir les cérémonies de vœux où les auto-bilans dressés par les structures publiques magnifient l’autosatisfaction pour se faire une conscience de tranquillité: «L’année écoulée, nous avons bien travaillé; nous avons même très bien travaillé»; «cette année, nous allons faire ceci et cela. Nous vous exhortons au travail bien fait». Le chef est content; tout le monde est content, et c’est la fête!
Que le Congolais lambda se plaigne des services publics mal rendus, personne n’en est responsable. L’accès à l’eau potable dans les quartiers des grands centres urbains congolais demeure un véritable parcours du combattant pour un grand nombre de citadins; les résultats catastrophiques aux examens d’Etat traduisent un système scolaire qui peine à assurer convenablement sa mission éducative et l’une des causes en est la dévalorisation de la fonction enseignante; les limites de l’offre de santé dans les hôpitaux poussent la classe nantie à se faire soigner à l’étranger; les défaillances de l’Etat-civil produit une race de Congolais sans identité; les élèves, les travailleurs arrivent en retard à l’école et à leurs lieux de travail à cause des transports en commun mal assurés; en dépit des efforts consentis dans le domaine de l’électricité, les délestages sont le quotidien des usagers particulièrement les artisans et les entreprises dont les activités sont durement affectées par ce phénomène; l’agriculture n’arrive pas à nourrir une population qui dépend en grande partie des importations; le manque d’entretien régulier des routes construites les condamne à la disparition, en quelques années; on construit des stades mais il n’y a pas de financements pour organiser des championnats sportifs; malgré des discours très engagés, le Congo peine à améliorer son classement dans le «Doing business»; la gestion financière publique est toujours caractérisée par un endettement intérieur excessif; on parle chaque jour de diversification de l’économie mais les filières économiques ne sont pas promues; les années passent et l’automatisation des retraites n’est toujours qu’une histoire de promesses… Et l’on peut de la sorte citer autant d’exemples qui prouvent que le travail est encore immense.
Car, en fin de comptes, le développement, c’est la qualité et la fiabilité des services proposés à la population. Le Congo a les compétences humaines nécessaires à l’impulsion convenable de son développement. Les causes de notre retard sont à rechercher dans le refus de l’émulation de la gestion publique et notre propension à l’autosatisfaction. Or, le développement, l’accès à la modernité ne sont possibles que dans un contexte de rigueur, de pointage des résultats de la gestion publique, par des statistiques fiables et objectives qu’il faut regarder courageusement en face. C’est cela qui permet d’établir de bons diagnostics pour des traitements adaptés, c’est-à-dire des politiques publiques sectorielles efficaces. Lorsqu’au gouvernement, on avait introduit la gestion axée sur les résultats, par la notation des départements ministériels, on s’attendait à ce que cette émulation pousse à travailler, pour atteindre de bons résultats. Malheureusement, les pesanteurs politiques l’ont emporté et le projet a été jeté dans les oubliettes. Le principe pédagogique de l’évaluation par les pairs ne fait pas recettes au Congo.
A la place, les ministres préfèrent les bilans d’autosatisfaction dressés par leurs directeurs de cabinet et la mode a emporté tout le monde, à quelques exceptions près. Pourtant, la réalité quotidienne si dure est là, en dépit des potentialités dont regorge le pays. Sans méconnaître les efforts qui se font, tout de même, en plein 21ème siècle, on ne devrait plus avoir à se plaindre de problème d’eau courante dans les vieux quartiers de nos villes. Et pourtant, qu’on soit à Poto-Poto, Plateau des 15 ans ou dans les quartiers périphériques, l’accès à l’eau potable courante demeure un casse-tête chinois, depuis les années 80, pour de nombreux citadins. Notre jeune célèbre artiste-musicien, Roga-Roga, a dû mettre les pieds dans le plat, par un geste de désinvolture, à travers sa chanson «Lettre au président», comme pour exprimer le ras-le-bol de ses compatriotes face à la dureté de la vie quotidienne.
Comme chaque année, le mois de janvier a vu s’égrainer le chapelet des «bilans largement positifs». Une histoire d’autosatisfaction pour refuser de voir la réalité intégrale de notre dur quotidien. La nouvelle République peut-elle arrimer la gestion publique à la rigueur de la G.a.r (Gestion axée sur les résultats)? Si l’on veut arriver à la modernité, il ne serait pas possible d’en faire sans. Certes, les progrès sont là, mais beaucoup reste encore à faire.
Joachim MBANZA