La tolérance, pour donner la chance à l’avenir démocratique en Afrique

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La révolution démocratique burkinabé, qui s’est produite du 28 au 31 octobre 2014 et qui a débouché sur la démission du président Blaise Compaoré est, souvent, montrée en Afrique comme le modèle de résistance d’un peuple contre la tyrannie. Le soulèvement populaire qui a eu raison du régime du président renversé s’érigeait ainsi comme le point de départ du «printemps subsaharien», après le «printemps arabe» déclenché par la «révolution de jasmin», en Tunisie (décembre 2010-janvier 2011), dans un continent où la démocratie a du mal à se faire du chemin.


Mais, une fois tournée la page de l’enthousiasme révolutionnaire, le plus dur reste toujours de mettre en application l’idéal démocratique tant rêvé, dans la gestion de l’Etat et de la Nation. La transition burkinabé avait démarré par une étape laborieuse de mise en place du gouvernement. Le corps d’élite formé en 1996, par l’ancien président Blaise Compaoré et qui était le véritable bras armé de son pouvoir, le fameux «Régiment de sécurité présidentiel», avec ses 1300 hommes bien entrainés et équipés, avait noyauté le pouvoir, après avoir échoué à s’en emparer, dans le feu de la révolution démocratique. Le lieutenant-colonel Yacouba Isaac Zida, qui avait joué un rôle dans l’aboutissement de la révolution démocratique, s’était imposé, en manœuvrant, habilement, pour se faire nommer premier ministre, tout en prenant le portefeuille de la défense. Un de ses proches, le colonel Auguste Denise Barry, était nommé au poste de ministre de l’administration territoriale et de la sécurité (ministère de l’intérieur). Le gouvernement de transition, composé de 24 membres pour 26 portefeuilles, comptait, en tout, quatre officiers militaires. Le président de transition, Michel Kafando, cumulait, lui-même, ses responsabilités à la tête du pays avec le poste de ministre des affaires étrangères. Dès lors, la transition burkinabé était plombée, car le régiment de sécurité présidentielle et l’armée étaient toujours là, en politique, et les contradictions n’allaient pas tarder à apparaître entre, d’abord, le tout-puissant premier ministre et le président de transition sans véritable assise, et, ensuite, la longue crise entre le «Régiment de sécurité présidentiel» et son ex-commandant adjoint, qui n’était autre que le premier ministre de transition. Comme pour ne pas faciliter le déroulement de la transition, les tensions et les contradictions étaient vives entre la classe politique et la société civile, requinquée par son rôle moteur dans la deuxième révolution burkinabé et dont les acteurs majeurs occupaient des postes importants au sein du gouvernement.
Inspiré du mouvement sénégalais «Y en a marre», le collectif «Balai citoyen», fondé en 2013 par un reggae man, Sams’K Le Jah, très populaire au Burkina Faso, et un avocat, Me Guy Hervé Kam, après son «coup de balai contre Blaise Compaoré», s’est érigé en véritable gardien de la deuxième révolution burkinabé, grâce à ses clubs composés de membres appelés Cibal (Citoyens balayeurs). Il influencera la révision du code électoral, pour exclure de la participation aux élections, les partisans du président renversé. En effet, en avril dernier, le Conseil national de transition (parlement de transition), dirigé par un membre de la société civile, avait voté la révision du code électoral, en déclarant «inéligibles» aux élections législatives et présidentielle, prévues le 11 octobre 2015, les partisans de l’ancien régime ayant «soutenu un changement inconstitutionnel portant atteinte au principe de l’alternance politique». Cet amendement avait suscité un tollé dans les rangs du C.d.p, le parti de l’ancien président Blaise Compaoré. La cour communautaire d’Afrique de l’Ouest avait invalidé, le 13 juillet dernier, ce nouveau code électoral du Burkina Faso, pour cause de «violation du droit de libre participation aux élections». Les autorités de la transition burkinabé avaient recouru à la cour constitutionnelle, qui leur avait donné raison.
Les putschistes du C.n.d (Conseil national pour la démocratie), avec à leur tête le général de brigade Gilbert Dienderé, ont affirmé s’être emparé du pouvoir, pour «mettre un terme au régime déviant de la transition qui s’est progressivement écarté des objectifs de refondation d’une démocratie consensuelle».
L’Union africaine a craché sa colère, pour condamner le coup de force intervenu au Burkina Faso, en prenant des sanctions sévères contre les putschistes assimilés à des «terroristes» et en appelant au rétablissement des institutions de transition. Dans le pays, la résistance a commencé à voir le jour, à travers le pays. La médiation de la Cedéao (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest), conduite par les présidents sénégalais, Macky Sall, et béninois, Boni Yayi, semble donner comme issue, le retour à la Transition, avec la possibilité aux candidats du parti de Blaise Compaoré de se présenter aux élections et l’amnistie accordée aux putschistes. Mais, cette solution ne fait pas l’unanimité, alors que lundi 21 septembre, on a appris que les forces armées restées fidèles au régime de transition se dirigent vers la capitale.
Quoiqu’il en soit, rien ne sera plus comme avant, au Burkina Faso révolutionnaire. Si la transition avait fait preuve de tolérance, on n’en serait peut-être pas arrivé là. Bien sûr, la prise de pouvoir par la force est condamnable et inacceptable, mais la démocratie ne doit pas non plus se faire dans l’intolérance consistant à exclure certains, pour des raisons politiques, de la participation aux élections. Car, c’est le peuple qui tranche, par ses choix.

Joachim MBANZA

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