Des trois voies, par laquelle se jouera le destin du Congo en 2016?
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- Publié le mardi 16 juin 2015 08:52
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On entend tout, dans le débat sur la Constitution. Beaucoup parlent de révision, modification et changement, sans distinguer ces concepts. Certains parlent de changement, sans savoir ce que cela implique, dans la réalité. D’autres parlent de révision ou de modification là où ils veulent exprimer le changement. Bref, la confusion politicienne semble sous-tendre le débat sur la Constitution. De quoi s’agit-il, en réalité?
La Constitution du 20 janvier 2002 comporte un verrou (Article 185), qui exclut toute révision constitutionnelle portant atteinte à l’intégrité du territoire, à la forme républicaine de l’Etat, au nombre de mandats du président de la République ainsi qu’aux droits énoncés dans ses titres 1 et 2.
C’est parce que le nombre de mandats présidentiels est exclu du champ de la révision constitutionnelle, que l’idée de changer la Constitution du 20 janvier 2002 est née. Mais, changer une Constitution, la loi qui fonde l’existence d’un Etat, ne relève pas d’une démarche institutionnelle, mais plutôt, de la volonté souveraine du peuple, car, seul, le peuple, dans sa souveraineté, peut disposer de sa loi fondamentale. C’est ce qui s’est passé en 1991, dans le cadre de la Conférence nationale souveraine où les forces vives de la Nation décidèrent, unanimement, d’ouvrir le pays à la démocratie et de quitter le système de parti unique, en mettant en place une Constitution démocratique. C’est là l’exemple d’un consensus national souverain, ayant conduit au changement de Constitution.
En 1997, par contre, le pouvoir de l’Etat fut ébranlé par la guerre fratricide. Les institutions en place perdirent le contrôle du pays dont les destinées tombèrent entre les mains des vainqueurs de la guerre. Ceux-ci prirent l’option de changer la Constitution. C’est ainsi que fut adoptée la Constitution du 20 janvier 2002, suivant la légitimité conférée par le forum national pour la paix et la reconstruction du Congo, qui avait réuni les forces vives de la Nation. Il s’agit là de deux cas de figure de changement de Constitution que le pays a déjà vécus, depuis l’ouverture démocratique, en 1991.
Si, durant la période du parti unique, la volonté d’un seul homme pouvait conduire au changement de Constitution, en démocratie, cette prérogative est exercée par le peuple souverain. Si, par extraordinaire, les forces vives de la Nation, dans un élan unanime, en viennent à manifester, souverainement, le besoin de changer la Constitution du 20 janvier 2002, une rupture s’opérera alors avec les institutions actuelles, pour établir une nouvelle Constitution. Mais, dans les conditions actuelles, peut-on dire que ce cas de figure est possible? Le débat démontre, d’ailleurs, que cette idée ne fait même pas l’unanimité au sein de la majorité au pouvoir. Les tenants de cette initiative n’ont pas su trouver la stratégie adaptée pour convaincre la majorité des forces vives de la Nation du bien-fondé de cette initiative. Celle-ci se heurte aux déceptions suscitées par «La nouvelle espérance» (2002-2009) et «Le chemin d’avenir» (2009-2016). Dans l’opinion, l’on considère que changer la Constitution, c’est permettre aux acteurs ayant concouru au peu de succès de ces deux projets de société successifs, de demeurer aux avant-postes de la gestion publique. Nombre de Congolais aspirent, plutôt, à un renouvellement de la classe aux affaires, après deux septennats qui laissent la majorité d’entre eux tirer le diable par la queue, malgré les ressources engrangées par le pays.
Autant dire que le changement de Constitution n’a qu’une seule option pacifique: le consensus des forces vives de la Nation, exprimé de façon souveraine, comme en 1991, et qui donnerait la légitimité de l’adoption d’une nouvelle loi fondamentale.
Un changement de Constitution peut aussi intervenir, en cas de crise grave paralysant le fonctionnement des institutions. Dans ce cas de figure, le changement de Constitution paraît alors comme une sortie de crise. Mais, le Congo est, présentement, loin d’un tel cas de figure.
Par contre, la révision est tout à fait possible, dans le cadre de ce que prévoit la Constitution elle-même. La révision peut permettre de faire évoluer les institutions, renforcer leurs pouvoirs, instituer une vice-présidence de la République, un premier ministre, renforcer les pouvoirs du Parlement, élargir les droits des femmes et des jeunes, modifier les limites d’âges pour accéder à la fonction présidentielle, réduire le nombre d’années du mandat présidentiel, etc. L’initiative de la révision constitutionnelle appartient concurremment au président de la République et au Parlement (Article 186).
En somme, le changement de la Constitution passe par un consensus des forces vives de la Nation, qui engendrerait la légitimité de faire adopter une nouvelle loi fondamentale. Autrement, dans le cadre institutionnel, seule la révision est possible. La troisième voie, à laquelle la communauté internationale est d’ailleurs attachée, est celle du respect de l’ordre constitutionnel, pour faire jouer les mécanismes de l’alternance, en 2016. Mais, cette voie fait peur à certains Congolais qui ont encore présentes à l’esprit, les suites malheureuses de l’alternance de 1992. Des trois voies (changement, révision ou respect de l’ordre constitutionnel), par laquelle se jouera le destin du Congo, en 2016? En tout cas, le débat a encore de beaux jours devant lui.
Joachim MBANZA