Burundi: gare au point de non-retour!
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- Publié le vendredi 8 mai 2015 11:31
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Elu pour la première fois, en août 2005, par le parlement, comme président du Burundi, Pierre Nkurunziza décroche, en juin 2010, un deuxième mandat à la tête du pays, cette fois, par le suffrage universel direct. Avec ses dix millions d’habitants, le Burundi est un pays pauvre qui sort d’une longue guerre civile, grâce à l’accord d’Arusha pour la paix et la réconciliation, signé en 2000, avec l’appui de la communauté internationale.
Après une période de transition, les premières élections démocratiques sont organisées, le 4 juillet 2005. Ce sont les élections législatives remportées par les F.d.d (Forces pour la défense de la démocratie), un ancien mouvement rebelle devenu parti politique ayant à sa tête Pierre Nkurunziza.
La spécificité de l’accord d’Arusha est qu’il impose une limitation à deux du nombre de mandats présidentiels. Ce principe sera repris dans la Constitution votée par référendum du 28 février 2005. Et même s’il détient son premier mandat, par une élection des parlementaires, ceux-ci ont été élus au suffrage universel direct, grâce à l’accord d’Arusha qui a mis un terme à la guerre civile et ouvert la voie à la légitimité démocratique, après une transition de trois ans. Mais, l’élection du chef de l’Etat par le parlement était une exception faite par la Constitution.
L’argument auquel le parti de Pierre Nkurunziza se fonde, pour justifier la candidature de ce dernier à la prochaine élection présidentielle, est qu’il n’était pas élu au suffrage universel direct, lors de son premier mandat. C’est, d’ailleurs, en cela que la cour constitutionnelle a jugé, malgré la défection de son vice-président en raison des pressions et des menaces, acceptable sa candidature. Ce que rejettent les partis de l’opposition et la majeure partie de la population. Pour eux, le président Nkurunziza a exercé deux mandats présidentiels de cinq ans et conformément à la Constitution et à l’accord d’Arusha, il ne peut plus prétendre briguer un troisième mandat de manière consécutive.
Malgré les violences qui ont éclaté dans son pays, l’exode de plus en plus important des populations (Il y a de plus de 40 mille réfugiés burundais dans les pays voisins) et les appels de la communauté internationale, le président burundais ne semble pas prêt à lâcher prise. Il persiste, comptant, probablement, sur la force publique, qui tire à balles réelles sur les manifestants, pour imposer sa candidature à un troisième mandat consécutif.
La crise politique burundaise a éclaté à la suite de l’interprétation divergente de deux articles de la Constitution et de l’accord, d’Arusha. Elle rappelle la crise qui éclata au Congo-Brazzaville en 1993, suite à l’interprétation contradictoire de l’article 75 de la Constitution du 15 mars 1992. Comme on peut le constater, l’insuffisance de précision dans certains articles de la loi fondamentale peut engendrer des conséquences fâcheuses pour le pays, même si, souvent, la mauvaise foi et la défense des intérêts particuliers y sont de beaucoup. Dans le cas du Burundi, en principe, l’actuel président n’a plus le droit de solliciter un troisième mandat présidentiel consécutif, puisqu’il en a déjà exercé deux. Ce n’est pas le mode de dévolution du pouvoir qui caractérise le mandat, mais son obtention et son exercice. Surtout que la Constitution reconnaît que le premier mandat post-transition émane du vote du parlement.
Après les morts, les blessés et les arrestations déjà enregistrés, jusqu’où ira Pierre Nkurunziza dans son forcing? Pourra-t-il épargner à son pays le risque de déstabilisation qui le guette? Autant de questions qu’on est en droit de se poser. Mais, il ne fait plus de doute que le Burundi, qui a déjà connu une décennie de guerre civile (1993-2002), est menacé par la résurgence des vieux démons de la violence. Ce qui risque de ruiner les efforts faits depuis 2000, pour stabiliser ce pays.
Joachim MBANZA