Tourner la page?
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- Publié le vendredi 30 janvier 2015 10:12
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S’il a eu le mérite d’exister, le débat constitutionnel a, sans doute, connu son épilogue avec l’échec de la majorité présidentielle de convaincre tous ses acteurs sur la nécessité de s’engager dans la voie du changement de Constitution. L’œuvre de changer la loi fondamentale ou de la réviser, de fond en comble, est si complexe, délicate, avec des risques évidents de dégénérescence qu’elle requiert, impérativement, un large consensus des forces vives de la nation.
Ce qui n’est pas le cas, aujourd’hui, à commencer à la majorité présidentielle où des voix, et non des moindres, ont marqué leur réserve.
Nous avons été nombreux à penser qu’au regard de son expérience à la tête de l’Etat, qui a permis au pays de retrouver la paix et de connaître des avancées significatives en matière de développement, un large consensus national pouvait permettre de poursuivre encore cette expérience. Mais, la réalité est telle que le contexte international ne s’y prête plus. Après le Burkina Faso, avec la chute du président Blaise Compaoré, sous la pression populaire de manifestants opposés à son projet de réforme de la Constitution, on a vu, la semaine dernière, à côté de nous, les événements sanglants en République Démocratique du Congo, où une partie de la population a manifesté, à l’appel de l’opposition, contre la réforme de la loi électorale soumettant la prochaine élection présidentielle à l’organisation d’un recensement général de la population. Ce qui, à ses yeux, pouvait provoquer un report de l’élection présidentielle et donc, la prolongation du mandat de l’actuel président de la République. Le pouvoir a dû retirer son projet de réforme, malheureusement, après des morts. En démocratie, gouverner, c’est toujours tenir compte de l’opinion.
Dans un tel contexte, point n’est besoin de foncer, tête baissée, dans une aventure qui porte de sérieux risques d’être à l’origine de situation non maîtrisable. Le dilettantisme qui a marqué le débat constitutionnel à la majorité présidentielle prouve que non seulement celle-ci ne s’y était pas préparée, mais encore que la question n’a jamais fait partie de son agenda. Gouverner, c’est prévoir, dit un proverbe bien connu. On n’aborde pas une telle réforme politique du jour au lendemain. Elle devait faire partie de la vision de la majorité présidentielle avant même le début du deuxième septennat.
Ceci dit, il faut convenir qu’il y a, à la base, dans notre pays, un véritable problème constitutionnel, si l’on souhaite une gestion véritablement démocratique de la chose publique. Il est vrai que la Constitution du 20 janvier 2002 a permis la stabilité institutionnelle. Mais, tout le monde peut convenir que la gestion de la chose publique, dans le cadre de cette Constitution, a ouvert largement la porte à l’impunité, source de faiblesse de l’autorité de l’Etat. Etant, à la fois, chef du gouvernement, donc comptable des actions de l’exécutif, le président de la République ne peut être interpellé par le parlement. Ses ministres ne sont responsables que devant lui et peuvent royalement se débiner devant la représentation du peuple, sans encourir quoi que ce soit. L’affectivité des relations humaines est telle que le chef de l’Etat n’a pas la marge de manœuvre nécessaire pour sanctionner, au profit de la bonne gouvernance publique. Un sentiment d’impunité s’est installé alors. Par ailleurs, sept ans de mandat présidentiel, c’est trop, pour une démocratie moderne. La tendance est, aujourd’hui, à cinq ans. Le développement d’un pays est l’émanation de la stabilité de ses institutions nationales et non d’un homme providentiel. C’est encore un grand défi, pour notre pays.
On peut espérer que le régime qui viendra en 2016 pourra ouvrir le débat sur la réforme de la Constitution. Mais rien n’est aussi sûr, au regard de l’avidité qui étreint la classe politique sur la question du pouvoir.
Faut-il espérer que l’actuel président peut avoir le sursaut patriotique d’amorcer une réforme de la loi fondamentale, sans prétendre aspirer à un nouveau mandat? Ce serait, pour lui, une manière d’entrer dans l’histoire par la grande porte, en plus de ce qu’il a déjà fait pour notre pays. Il aura laissé, à son peuple, une Constitution qui permet, non pas de privilégier l’intérêt partisan, mais l’intérêt général, en renforçant le contrôle du parlement sur l’exécutif. Car, gérer l’Etat ne doit pas être synonyme d’enrichissement personnel, familial ou clanique. Notre pays a d’importantes ressources naturelles qui doivent profiter à son développement, au profit de tous les Congolais. Beaucoup d’efforts ont été faits sous la gouvernance du président Denis Sassou-Nguesso. Mais, des faiblesses se sont aussi manifestées et celles-ci méritent d’être corrigées, à la base, c’est-à-dire au niveau de la loi fondamentale, si l’on souhaite un avenir démocratique stable à notre pays, reposant sur une redistribution équitable de la rente nationale, de façon à évacuer les convoitises et les injustices sociales qui empoisonnent la vie politique.
Joachim MBANZA