Le Congo forgera son chemin dans la paix et l’unité nationale
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- Publié le vendredi 5 décembre 2014 10:03
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Tous les peuples du monde sont jaloux de leur souveraineté. Le peuple congolais, à ce que l’on voit, ne fait pas exception. Il n’y a qu’à revoir son histoire post-indépendance. Très tôt, il descendit dans la rue, comme les Burkinabè l’ont fait plus de cinquante ans plus tard, contre le pouvoir qui voulut instaurer un régime à parti unique. Mais, trahi par son élite politique et intellectuelle, il dut plier l’échine, pendant 27 ans, devant ceux qui croyaient que le monolithisme politique était le chemin qui allait conduire le pays au développement. Ce ne fut qu’une marche forcée qui se traduisit par l’intolérance politique, avec son cortège de morts et d’exilés.
Grâce à un contexte international favorable à son idéal, notamment la chute du mur de Berlin (symbolisant la fin de la guerre froide), il manifesta, ardemment, son désir de retrouver un système d’organisation politique pluraliste, avec ce qui le caractérise: le respect des droits et libertés citoyens. A travers une conférence nationale souveraine, il définit les fondamentaux de sa démocratie: équilibre des pouvoirs (selon le principe du pouvoir arrête le pouvoir, limitation des mandats présidentiels, contrôle de l’action gouvernementale par le parlement, etc). Une fois de plus, il fut trahi par sa classe politique. Au lendemain des élections générales de 1992, le nouveau pouvoir élu réprima, dans le sang, une manifestation pacifique de l’opposition. Il serait difficile de démontrer que le régime Lissouba, pourtant sorti des urnes, était parti pour respecter la Constitution établie. Dès lors, on réveilla les vieux démons. La démocratie chavira, avec l’apparition du phénomène des milices armées. La déflagration de 1997 fut la manifestation extrême du déficit démocratique qui caractérise l’élite politique et intellectuelle congolaise. La duplicité et l’hypocrisie sont les principaux maux qui minent l’unité nationale et la paix. Le discours a rarement la même constance sur les fondamentaux démocratiques, qu’on passe de l’opposition à la majorité. En somme, la conviction sur les valeurs démocratiques varie suivant les intérêts circonstanciels.
Il a fallu du temps et un grand esprit de sacrifice, pour se relever de l’hécatombe de 97. Le Congo dut puiser dans son propre génie, pour retrouver, non sans difficulté, le chemin de la paix et de l’unité nationale, bien sûr, avec l’accompagnement de la communauté internationale.
Le débat politique actuel prouve l’aspiration du peuple à la démocratie et c’est indiscutable. Mais, s’en saisir pour faire des leçons aux autres peut relever de l’imposture, de la part de certains acteurs politiques dont on connaît la praxis. Ce sont ceux qui s’étaient drapés en costumes de démocrates, au début des années 90, qui ont dévoyé la démocratie congolaise. «Les grands diseurs ne sont pas les grands faiseurs», dit l’adage populaire.
En matière d’alternance démocratique en Afrique, le président français François Hollande n’a rien dit de nouveau que d’emboiter le pas au président américain Barack Obama qui, cinq ans avant lui, avait déjà soulevé cette préoccupation, dans son célèbre discours d’Accra, au Ghana. Les Africains, dans leur majorité, partagent cette préoccupation fondamentale. Mais, pour ce qui les concerne, il y a lieu de rappeler, tout de même, qu’en tant que peuples, ils jouissent aussi du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Chaque peuple fait son histoire. On ne peut pas refuser à un peuple le droit de revoir ses principes d’autodétermination, de choisir, à un moment donné, librement et souverainement, la forme d’organisation politique qu’il juge adaptée à sa situation, si cela se fait dans le respect des conventions internationales auxquelles il a souscrit.
Le problème au Congo est qu’avec une classe politique qui n’a pas une conviction immuable des valeurs démocratiques, l’alternance au sommet de l’Etat fait planer l’appréhension d’un saut dans le vide capable de faire resurgir les vieux démons. Et ce n’est pas une clause de style que de l’évoquer. Les Congolais ont vécu des drames inimaginables que pour rien au monde ils ne veulent pas revivre. Comme dit l’adage: «Les grandes douleurs sont muettes».
Pour préserver l’unité nationale, il serait difficile que le pays fasse l’économie d’une grand-messe de nature à exorciser les mauvais esprits qui hantent ses arcanes politiques. Conférence nationale souveraine, dialogue national sans exclusive, concertations nationales politiques, etc., c’est de la sorte que le Congo forge, progressivement, son chemin, dans la paix et l’unité nationale, quand surgissent les moments difficiles. A l’heure où l’incertitude gagne les esprits quant à l’avenir, il ne sert à rien de nourrir des rancœurs, il faut s’asseoir et le génie congolais fera le miracle.
Joachim MBANZA