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«Les peuples aspirent à la paix, à la liberté, à la démocratie…»

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Alors qu’il était aperçu comme un peuple à genoux, les Burkinabé viennent de démontrer, à la face du monde, près de quatre ans après le déclenchement du mouvement démocratique des «printemps arabes» en Tunisie, qu’il est capable de se lever, pour conquérir sa liberté. La date du jeudi 30 octobre 2014 est, désormais, inscrite, en lettres d’or, dans les annales de son histoire. L’aspiration à la liberté n’est-elle pas propre à chaque peuple ?


De retour, le 1er février 2011, du 16ème sommet de l’Union africaine qui s’était tenu après la chute du régime Ben Ali en Tunisie, quelques jours après le déclenchement de la «révolution de jasmin», le président de la République, Denis Sassou-Nguesso, avait confié à la presse: «On a, naturellement, regardé la situation de Tunisie, et en Egypte et conclu qu’après tout, tous les peuples du monde aspirent à la démocratie, à la paix et à la justice sociale. C’est donc une leçon pour tous les dirigeants: les peuples aspirent à la paix, à la liberté, à la démocratie et à la justice sociale. Donc, c’est avec un grand intérêt que nous suivons le développement de ces questions».
Cela ne vaut-il pas autant pour le peuple burkinabé? Bien sûr que oui.  Et pour cause, le «printemps arabe», on le sait, caractérise ces révoltes populaires contre des régimes autoritaristes qui se perpétuent au sommet des Etats, en se distinguant par ce que le politologue français, Jean-François Bayard, appelle le «néo-patrimonialisme». Dans ces Etats, la démocratie, lorsqu’elle existe, se réduit à un vernis politique qui consiste à la tenue d’élections perpétuellement gagnées par le parti au pouvoir qui en contrôle l’organisation. De telle sorte que les statistiques de ces scrutins ne reflètent jamais la réalité, mais répondent au besoin lancinant de conservation du pouvoir. Or, une démocratie sans alternance finit toujours par suffoquer, au bout de quelques années ou décennies.
Quoiqu’ayant accédé à la démocratie pluraliste avec l’adoption, par référendum, de la Constitution du 2 juin 1991, sans passer par une conférence nationale, le Burkina Fasso n’a jamais connu, en 23 ans d’histoire démocratique, d’alternance au sommet de l’Etat. Arrivé au pouvoir par un coup d’Etat sanglant, en 1987, contre le régime révolutionnaire du capitaine Thomas Sankara, Blaise Compaoré a eu beau jeu de modifier la Constitution à deux reprises, pour se représenter aux élections. C’était devenu, pour lui, comme un mode opératoire, à portée de main, face à un  peuple qu’il croyait soumis. Mais, cette fois, le mode opératoire n’a pas fonctionné. Le peuple burkinabé est descendu dans la rue, porté par sa soif de liberté et de changement à la tête de l’Etat: la liberté de choisir, évidemment, ses dirigeants.
Si ce qui s’est passé au Burkina Faso est propre à l’histoire de ce pays, comme le signale Fortuné Ampha (voir notre précédente édition,  en page 15), il n’en demeure pas moins vrai que les événements burkinabé suggèrent des leçons aux peuples et aux dirigeants africains. Les mêmes causes pouvant produire les mêmes effets, il ne sert à rien de marcher fondamentalement contre la volonté de son peuple, en privilégiant ses calculs politiques. Si l’on veut modifier ou changer de Constitution, qu’est-ce que le peuple en gagne? Voilà la question principale qui peut sous-tendre un débat constitutionnel, dans un contexte comme le nôtre qui a déjà connu une alternance démocratique pacifique, mais qui a sombré dans des violences fratricides, une année plus tard, car la classe politique a du mal à se débarrasser des anti-valeurs que sont l’égoïsme, la haine, l’arrogance qui empoisonnent la vie démocratique. On n’est jamais à l’abri de rien, sans la volonté du peuple.

Joachim MBANZA

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